Les rivières effacées
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Les rivières effacées
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Marie-Hélène Voyer
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René Audet
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Jonathan Livernois
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2019
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Français
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Laboratoire Ex situ
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« Les rivières effacées » fait partie du recueil « Rivières imaginaires », un projet s'intéressant aux rivières existantes, disparues ou imaginaires du territoire de la ville de Québec. À partir d'un ensemble d'archives, de sources littéraires et de souvenirs d'enfance, Marie-Hélène Voyer réfléchit sur le rapport entre écriture, lieux et imaginaires hydrauliques. À mi-chemin de la photographie, du texte littéraire, de l'essai et de la poésie, l'oeuvre porte sur la démolition du patrimoine bâti et sur la disparition du patrimoine paysager québécois.
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Description : « Ce texte s’inscrit dans le cadre des recherches que je mène pour un essai littéraire qui porte sur la démolition de notre patrimoine bâti et la disparition de notre patrimoine paysager. Je tiens à remercier René Audet et Jonathan Livernois (U. Laval) pour leur soutien financier et l’accès généreux qu’il m’ont donné à leurs bases de données sur les rivières imaginaires et à leurs archives sur les rivières disparues. »
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Rivières
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Mémoire collective
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Imaginaires collectifs
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Patrimoine
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Démolition
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Histoire
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« Combien de rivières portons nous en nous-mêmes ? Mon enfance à moi, ça a été la rivière du Bic qui naît dans les ruisseaux pentus du Mont Notre-Dame, irriguée çà et là par le ruisseaux Rouge, le ruisseau Voyer, le ruisseau à la Loutre, ou encore le ruisseau Beaulieu. Elle est talonnée de rivières parallèles qui l’embrassent parfois, elle s’abreuve au lac des Joncs et au lac Vaseux qui s’y déversent. Elle poursuit sa course molle, semée de fosses et de détours, sous le pont du troisième rang du Bic avant de lécher, plus loin, les rives du chemin des Chénard où elle s’entête parfois en embâcles après lesquelles elle s’avance, narguant plus bas, à l’entrée du village, le vieux moulin qu’elle a amputé de sa roue vers 1940. Elle dévale encore quelques seuils avant de franchir le pont du chemin de fer, terminant sa course dans la chute qui se déverse dans les battures du havre du Bic, mêlant ses eaux aux embruns salés du fleuve qui viennent se heurter aux rochers du Cap du Corbeau et de l’île au Massacre. Mon enfance à moi, ça a été une rivière changeante et indomptée.
Début janvier. C’est à ce moment de l’année que mon père, ancien joueur de hockey, commençait à nous emmener patiner sur cette rivière gelée derrière la maison. On traversait le champ du sud jusqu’au fronteau d’où l’on devinait, derrière une bande de bosquets, le lit étroit du torrent figé qui traversait nos terres. Me revient encore la fébrilité de me déchausser sur la rive pour enfiler mes patins en vitesse – tirer fort sur les lacets, les nouer autour des chevilles, souffler sur les doigts avant de redoubler les nœuds. Il fallait d’abord sonder l’épaisseur de la glace en la frappant avec nos bâtons. Tâtons prudents et incertains. Avancées méthodiques. Entre les craquements, les bruits pleins et les bruits creux, on arrivait à se dessiner une carte sonore des zones à éviter. Il fallait aussi faire attention pour ne pas abîmer nos lames sur les grosses roches qui saillaient çà et là. »
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Océane Roberge